DOCERE

Épictète

« Il y a des choses qui dépendent de nous; il y en a d'autres qui n'en dépendent pas. Ce qui dépend de nous, ce sont nos jugements, nos tendances, nos désirs, nos aversions : en un mot, toutes les œuvres qui nous appartiennent. Ce qui ne dépend pas de nous, c'est notre corps, c'est la richesse, la célébrité, le pouvoir; en un mot, toutes les œuvres qui ne nous appartiennent pas. »

— Épictète, Manuel, éd. Flammarion, p. 183

« Retire donc ton aversion de tout ce qui ne dépend point de nous, et reporte-la, dans ce qui dépend de nous, sur tout ce qui est contraire à la nature. Quant au désir, supprime-le absoluement pour l'instant. Car si tu désires quelqu'une des choses qui ne dépendent pas de nous, nécessairement tu seras malheureux. Et quant aux choses qui dépendent de nous et qu'il est beau de désirer, il n'en est aucune qui soit encore à ta portée. Borne-toi seulement à tendre vers les choses et à t'en éloigner, mais légèrement, avec réserve et modération. »

— Épictète, Manuel, éd. Flammarion, p. 184

« Accuser les autres de ses malheurs est le fait d'un ignorant; s'en prendre à soi-même est d'un homme qui commence à s'instruire; n'en accuser ni un autre ni soi-même est d'un homme parfaitement instruit. »

— Épictète, Manuel, éd. Flammarion, p. 186

« Lorsque tu vois un homme qui gémit dans le deuil, soit parce que son fils est absent, soit parce qu'il a perdu ce qu'il possédait, prends garde de te laisser emporter par l'idée que les maux dont il souffre lui viennent du dehors. Mais soit prêt à dire aussitôt : « Ce qui l'afflige ce n'est point ce qui arrive, car un autre n'en est pas affligé; mais c'est le jugement qu'il porte sur cet évènement. » N'hésite donc pas, même par la parole, à lui témoigner de la sympathie, et même, si l'occasion s'en présente, à gémir avec lui. Mais néanmoins prends garde de ne point aussi gémir du fond de l'âme. »

— Épictète, Manuel, éd. Flammarion, p. 189

« On peut reconnaître ce que veut la nature par les choses sur lesquelles, entre nous, nous ne sommes pas d'un avis différent. Ainsi lorsque l'esclave d'un voisin casse une coupe, nous sommes aussitôt prêts à dire : « C'est dans les choses qui arrivent. » Sache donc, lorsque ta coupe sera cassée, qu'il faut que tu sois tel que tu étais, quand fut cassée celle d'un autre. Transporte aussi cette règle, même à des faits plus importants. Quelqu'un perd-il son fils ou sa femme? Il n'est personne qui ne dise : « C'est dans l'ordre humain. » Mais quand on fait cette perte soi même, aussitôt on dit : « Hélas! infortuné que je suis! » Il faudrait se souvenir de ce qu'on éprouvait à l'annonce du même évènement survenu chez les autres. »

— Épictète, Manuel, éd. Flammarion, p. 194

« Si quelqu'un livrait ton corps au premier venu, tu en serais indigné. Et toi, quand tu livres ton âme au premier rencontré pour qu'il la trouble et la boulverse, s'il t'injurie, tu n'as pas honte pour cela? »

— Épictète, Manuel, éd. Flammarion, p. 194

« Sois le plus souvent silencieux. Ne dis que ce qui est nécessaire, et en peu de mots. S'il arrive, rarement toutefois, que s'offre l'occasion de parler, parle, mais que ce ne soit point des premières choses venues. »

— Épictète, Manuel, éd. Flammarion, p. 199

« Si tu le peux, ramène par tes paroles les entretiens de ceux avec qui tu vis sur des sujets convenables. Mais, si tu te trouves isolé au milieu d'étrangers, tais-toi. »

— Épictète, Manuel, éd. Flammarion, p. 199

« Si tu le peux, ramène par tes paroles les entretiens de ceux avec qui tu vis sur des sujets convenables. Mais, si tu te trouves isolé au milieu d'étrangers, tais-toi. »

— Épictète, Manuel, éd. Flammarion, p. 199

« Quand une idée de plaisir se présente à ton esprit, garde-toi, comme pour les autres idées, de ne te point laisser par elle emporter. Mais diffère d'agir et obtiens de toi quelque délai. Compare ensuite les deux moments : celui où tu jouiras du plaisir, et celui où, ayant joui, tu te repentiras et tu te blâmeras. Oppose à ces pensées la joie que tu éprouveras. Et, si les circonstances exigent que tu agisses, prends garde à ne pas te laisser vaincre par ce que la chose offre de doux, d'agréable et d'attrayant. Mais récompense-toi en pensant combien il est préférable d'avoir conscience que tu as remporté cette victoire. »

— Épictète, Manuel, éd. Flammarion, p. 201

« Si tu prends un rôle au-dessus de tes forces, non seulement tu y fais pauvre figure, mais celui que tu aurais pu remplir, tu le laisse de côté. »

— Épictète, Manuel, éd. Flammarion, p. 202

« C'est un signe d'incapacité mentale que de constamment s'occuper de ce qui concerne le corps, comme de donner trop de temps à la gymnastique, au manger, au boire, aux fonctions excrétives, aux choses de l'amour. Mais il faut faire tout cela qu'accessoirement, et tourner vers l'esprit toute son attention. »

— Épictète, Manuel, éd. Flammarion, p. 203

« De tels raisonnements ne sont pas cohérents : « Je suis plus riche que toi, donc je te suis supérieur. — Je suis plus éloquent que toi, donc je te suis supérieur. » Mais ceux-ci sont cohérents : « Je suis plus riche que toi, donc ma richesse est supérieure à la tienne. — Je suis plus éloquent que toi, donc mon élocution est supérieure à la tienne. » Mais tu n'es toi-même, ni richesse, ni élocution. »

— Épictète, Manuel, éd. Flammarion, p. 204

« Signes de celui qui progresse : il ne blâme personne, il ne loue personne, il ne se plaint de personne, il n'accuse personne, il ne dit rien de lui-même comme de quelqu'un d'importance ou qui sait quelque chose. Quand il est embarrasé et contrarié, il ne s'en prend qu'à lui-même. Quand on le loue, il rit à part soi de celui qui le loue; et, quand on le blâme, il ne se justifie pas. Il se comporte comme les convalescents, et il craint d'ébranler ce qui se remet, avant de recouvrer son affermissement. »

— Épictète, Manuel, éd. Flammarion, p. 206

« Tout ce qui t'est prescrit, sois-y fidèle comme à des lois que tu ne peux, sans impiété, transgresser. Quoi qu'on dise de toi, n'y fais pas attention, car cela ne dépend plus de toi. »

— Épictète, Manuel, éd. Flammarion, p. 207

« La première et la plus importante partie de la philosophie est de mettre les maximes en pratique. »

— Épictète, Manuel, éd. Flammarion, p. 208